Introduction
L’Internet est devenu un outil indispensable pour les utilisateurs du monde entier et un vecteur incontournable de l’innovation et de la croissance économique. La demande de connexion Internet avec une bande passante toujours plus élevée ne va probablement pas diminuer. Aujourd’hui déjà, certains opérateurs de réseau doivent utiliser des techniques de gestion de la congestion et du débit du trafic pour que leur réseau continue de fonctionner sans problème. En conséquence, certains commentateurs craignent que les opérateurs de réseau soient techniquement en mesure d’utiliser des pratiques de gestion pour accorder un traitement préférentiel à certains flux de données. D’autres craignent que des pratiques destinées à accroître les revenus puissent bloquer le contenu concurrentiel ou donner un avantage injuste à certains contenus par rapport à d’autres. Ils voient ces pratiques comme problématiques, surtout lorsqu’elles discriminent intentionnellement certains contenus au détriment des utilisateurs finaux. Le public se retrouve en outre de plus en plus préoccupé et inquiet de ces pratiques qui mettent en péril les principes de transparence et d’ouverture de l’Internet.
La neutralité du réseau ou « neutralité du Net » est souvent utilisée comme formulation dans les politiques publiques et les discussions réglementaires concernant ces questions. La neutralité du Net, cependant, est un vaste terme qui peut signifier des choses très différentes en fonction du point de vue. Les discussions sur un Internet neutre, par exemple, ont souvent trait à la liberté d’expression, à la concurrence des services et au choix de l’utilisateur, à l’impact sur l’innovation, aux pratiques de gestion non discriminatoire du trafic, aux tarifs et aux modèles de gestion globaux. En se basant sur ce dialogue de la neutralité du Net, certains croient que des politiques et des mesures réglementaires sont nécessaires pour préserver l’ouverture de l’Internet et veiller à ce qu’il reste un moteur de l’innovation, de la liberté d’expression et de la croissance économique. L’Internet Society préfère se focaliser sur le résultat des pratiques de gestion du réseau, plutôt que sur les mesures d’ordre techniques ou politiques utilisées pour fournir ce résultat. Cela assure la flexibilité nécessaire aux opérations du réseau.
Considérations clés
Un élément clé de l’architecture de l’Internet est que les données de l’utilisateur sont relayées à travers l’Internet sous forme de paquets standardisés d’informations, quel qu’en soit leur contenu, leurs expéditeurs ou destinataires. Cette approche non discriminatoire du trafic Internet est un principe essentiel du fonctionnement de l’Internet. Il permet aux données de passer facilement à travers les réseaux sans être gênées par la nature des données elles-mêmes. Fondamentalement, cette approche d’inter-réseau ouvert est l’un des piliers qui ont fait le succès de l’Internet.
Dans la pratique, cependant, les paquets de données sont parfois traités de manière différentiée pour remédier à la congestion du réseau, aux contraintes de ressources, pour satisfaire à des accords commerciaux et à d’autres considérations pratiques de fonctionnement du réseau. Certains fournisseurs de réseau affirment que les ressources actuelles de bande passante et d’infrastructure sont congestionnées et nécessitent une intervention significative au niveau de la gestion de réseau pour résoudre les problèmes et fournir une bonne qualité de service aux clients. Ces pratiques de gestion de réseau nourrissent le débat de savoir si elles constituent ou non un traitement équitable et impartial des données quand celles-ci voyagent à travers l’Internet. Cela pose aussi la question de savoir dans quelle mesure les activités de gestion du réseau se transforment en pratiques discriminatoires, limitant potentiellement l’accès au contenu et la liberté d’expression des utilisateurs d’Internet.
Du point de vue du réseau opérationnel, de nombreuses préoccupations quant à la neutralité du réseau sont le résultat d’un principe clef à l’origine de la conception de l’Internet : l’approche de « meilleur effort » (« best-effort ») en matière de circulation des données à travers les réseaux. Cette approche signifie que toutes les données reçoivent les meilleures fonctionnalités du système en vue de leur livraison à destination en fonction des ressources du réseau. Toutefois, cette approche ne permet pas de fixer des niveaux de priorité ou un traitement préférentiel d’un flux de données sur un autre. Au contraire, il vise à traiter toutes les données d’une manière non discriminatoire et neutre.
Dans les opérations au jour le jour, cependant, les opérateurs de réseau gèrent le trafic des données à travers les réseaux, tout en répondant à des événements comme des questions de sécurité, des pannes de réseau et d’une congestion imprévue du réseau. Bien que les pratiques de gestion des données soient nécessaires au fonctionnement normal de l’Internet, certaines personnes craignent que toute manipulation du flux des données du réseau puisse avoir pour conséquence un traitement préjudiciable à certaines données et certains contenus. Ils suggèrent que les pratiques de gestion des données peuvent potentiellement conduire à des pratiques commerciales anticoncurrentielles ou à d’autres conséquences socialement nuisibles.
Défis
Comme indiqué, il y a des divergences d’opinion quant aux pratiques de gestion du réseau entre celles qui constituent des activités de gestion du réseau de routine et acceptables et celles qui vont trop loin et peuvent conduire à une discrimination préjudiciable à la fois pour les utilisateurs et les fournisseurs de contenu. Voici cinq défis spécifiques couramment abordés dans le débat sur la neutralité du Net :
1 Le blocage ou le filtrage. Le blocage ou le filtrage de contenu est une pratique dans laquelle les utilisateurs finaux se voient refuser l’accès à certains contenus en ligne, en vertu de contrôles réglementaires, des objectifs d’affaires des fournisseurs de services Internet (FSI) ou des opérateurs de l’infrastructure du réseau visant à favoriser leur propre contenu. Certains voient le filtrage sélectif du contenu Internet comme contraire aux principes d’un Internet libre et ouvert, en particulier quand il favorise les services d’un FSI. D’autres considèrent que le blocage et le filtrage sont des moyens nécessaires pour protéger les mineurs contre les contenus répréhensibles ou limiter la prolifération des contenus illicites en ligne.
2 Les « fast lanes » de l’Internet. Le terme « fast lanes » de l’Internet se réfère à la pratique d’accorder un traitement de réseau préférentiel à certains flux de données en vertu d’accords commerciaux entre des opérateurs Internet. Par exemple, un contenu vidéo spécifique pourrait être livré à plus haut débit à travers sur un réseau particulier, en conformité avec des accords commerciaux entre opérateurs de réseaux. Certains considèrent ces accords comme une pratique discriminatoire inacceptable, car ils accordent un traitement privilégié à certaines données sur le réseau et peuvent potentiellement dégrader les performances des autres données. D’autres, cependant, voient dans les « fast lanes » un moyen efficace pour fournir du contenu avec une meilleure qualité de service aux utilisateurs.
3 Le ralentissement artificiel du trafic. Le terme ralentissement artificiel du trafic se réfère à certaines pratiques commerciales qui réduisent le débit de livraison des contenus aux utilisateurs finaux. Le ralentissement artificiel du trafic peut inclure des techniques comme la limitation spécifique de la vitesse de téléchargement de certains flux de données, comme par exemple, des pratiques de gestion du trafic peer-to-peer. Certains ralentissements artificiels du trafic sont un moyen nécessaire pour éviter la congestion et la mauvaise performance d’un réseau. D’autres trouvent ces pratiques controversées quand elles ne sont pas annoncées en toute transparence ou lorsque les opérateurs exercent un pouvoir discriminatoire injuste envers certains flux de données.
4 Les services quasi-gratuits. Le terme services quasi-gratuits décrit une pratique commerciale générale en vertu de laquelle certains contenus Internet sont livrés à un utilisateur final à un coût sensiblement réduit ou gratuitement. Dans ce scénario, le fournisseur du service Internet subventionne généralement le coût de l’accès à Internet en échange d’avantages commerciaux tangibles ou intangibles. Ces avantages commerciaux peuvent prendre la forme d’une base d’abonnés élargie, de droits d’accès préférentiels pour fournir des services Internet ou d’une capacité de monétiser des données recueillies sur les abonnés au service. Un débat est engagé pour savoir si ces services sont discriminatoires envers les flux de données qui ne sont pas fournis dans le cadre d’un service quasi-gratuit. De même, il est difficile de savoir si fournir seulement un accès partiel à Internet dans le cadre d’un service quasi-gratuit à ceux qui n’y auraient autrement pas accès est mieux ou pire que les dommages potentiels encourus par un accès limité. Ce débat est particulièrement important dans les pays en développement où des inquiétudes ont été soulevées au sujet des inconvénients potentiels et des conséquences involontaires des services quasi-gratuits.
5 La concurrence commerciale. Une concurrence commerciale saine est une composante fréquente dans les discussions concernant la neutralité du Net. Au sein des marchés où le choix de services Internet à un coût abordable est limité, les utilisateurs sont potentiellement plus vulnérables et risquent d’avoir un accès au contenu disponible restreint ou avec une moins bonne performance du réseau. La concurrence au sein du marché pour les fournisseurs de services Internet est utile en ce qu’elle offre aux consommateurs un choix et encourage l’innovation chez les fournisseurs de services. En outre, s’assurer de l’existence d’un marché concurrentiel pour l’accès à Internet offre davantage d’options aux utilisateurs en matière de services et d’expérience en ligne.
Principes directeurs
> En se concentrant sur les résultats des pratiques de gestion du réseau, les approches pour une politique et une réglementation doivent suivre le principe fondamental de l’ouverture, ainsi que les caractéristiques permettant l’accès, le choix et la transparence. Ces valeurs fondamentales sont représentées par les grands principes directeurs suivants : l’accès aux services Internet, aux applications, aux sites et au contenu améliore l’expérience de l’utilisateur et le potentiel de l’Internet pour stimuler l’innovation, la créativité et le développement économique. Les pratiques qui pourraient limiter ou bloquer l’accès au contenu Internet sont des plus préoccupantes.
> Le choix et le contrôle par les utilisateurs de leurs activités en ligne, y compris la sélection des fournisseurs, des services et des applications (tout en reconnaissant qu’il existe des limites juridiques et techniques) sont importants pour l’interconnexion des réseaux. Certains utilisateurs ont un choix limité de fournisseurs et de services en ligne, et ces utilisateurs sont particulièrement vulnérables aux pratiques potentiellement discriminatoires du réseau.
> La transparence des décisions prises sur les flux de données est importante pour un accès équitable et impartial aux ressources de l’Internet. Un accès transparent à des informations exactes sur les politiques de bande passante et de gestion du réseau permet aux utilisateurs de faire des choix éclairés au sujet de leurs services Internet.
En termes plus spécifiques, ces grands principes directeurs se traduisent par :
> Des offres de services concurrentielles et transparentes pour permettre à l’utilisateur de faire un choix éclairé de son fournisseur et du niveau de service. Cela comprend à la fois la divulgation des informations publiques comme contractuelles, comme les vitesses moyennes que les opérateurs de réseaux fournissent effectivement pour le service Internet à leurs clients pendant les périodes normales et de pointe et les limites du volume de données du fournisseur.
> Un accès sans entrave à une diversité de services, d’applications et de contenus proposés sur une base non discriminatoire.
> Des pratiques de gestion raisonnables du réseau qui ne sont ni anticoncurrentielles ni préjudiciables. Une clarification des limites raisonnables applicables aux pratiques de gestion du réseau serait bénéfique.
> Des informations compréhensibles et facilement disponibles sur les limites du service et les restrictions du trafic de réseau auxquelles un abonné est soumis.
> Une surveillance réglementaire de la fourniture des services Internet afin d’assurer qu’il n’existe pas de dégradation de la qualité. L’évaluation de la qualité devrait être basée sur des mesures et des normes communément acceptées et convenues, y compris celles des groupes de travail sur les mesures à grande échelle de la performance haut débit et IP de l’Internet Engineering Task Force.
> Des initiatives de sensibilisation pour informer les utilisateurs sur les conséquences des pratiques de gestion du réseau et la façon de choisir les offres de services qui répondent à leurs besoins.
Il est important de noter qu’aucun de ces principes n’exclut la possibilité de pratiques de gestion du réseau raisonnables. La gestion du réseau est nécessaire pour le maintien du bon fonctionnement du réseau et pour une prestation de qualité et une offre de services innovants pour les utilisateurs. Bien entendu, les approches réglementaires qui affectent la viabilité d’un Internet mondial ouvert doivent tenir compte de la réalité technique en ce qui concerne la façon dont les réseaux fonctionnent et sont gérés.
Et encore plus important, un environnement d’accès à Internet caractérisé par le choix et la transparence permet aux utilisateurs de garder le contrôle de leur expérience Internet et leur permet d’en bénéficier pleinement et d’y participer.
Ressources supplémentaires
L’Internet Society a publié plusieurs articles et du contenu supplémentaire en rapport avec cette question. Ils sont librement accessibles sur le site Web de l’Internet Society.
> « Inter-réseautage ouvert : assurer les éléments fondamentaux : accès, choix et transparence », 21 février 2010, http://www.internetsociety.org/open-inter-networking-getting-fundamentals-right-access-choice-and-transparency.
> « Neutralité du réseau—laissez donc les parquets circuler », 30 mars 2015, http://www.internetsociety.org/blog/asia-pacific-bureau/2015/03/network-neutrality-–-let-those-packets-flow.
> « Quasi-gratuité : encourager ou restreindre l’accès à l’Internet ? », 24 septembre 2014, http://www.internetsociety.org/blog/asia-pacific-bureau/2014/09/zero-rating-enabling-or-restricting-internet-access.