Alors qu’une nouvelle année de lutte contre la pandémie touche à sa fin et que les nombreux changements qu’elle a entraînés sont perceptibles, nous sommes confrontés au fait que de nombreuses communautés tribales aux États-Unis et au Canada restent parmi les moins bien connectées. Les communautés, les gouvernements et les organisations partenaires s’attaquent activement à ce problème, qui a été abordé directement lors du Sommet sur la connectivité autochtone de cette année.
Parmi les diverses possibilités de financement, programmes et stratégies visant à combler le fossé numérique pour les communautés autochtones individuelles, le Sommet sur la connectivité autochtone a adopté la même approche d’apprentissage collectif qu’au cours des cinq dernières années. Depuis 2017, le Sommet a permis de constituer une communauté de dirigeants autochtones qui partagent leurs connaissances et leur savoir-faire, œuvrant pour combler le fossé numérique sur les terres tribales.
Le fait d’être historiquement sous-représenté dans l’espace de connectivité rend extrêmement précieuse l’opportunité de se réunir pour apprendre et partager. Offrir le temps et l’espace nécessaires à la réflexion sur les nouvelles idées et technologies constituait l’un des objectifs initiaux du Sommet sur la connectivité autochtone. Nous avons pu en constater la concrétisation lors du sommet de cette année, qui s’est tenu à Winnipeg, au Canada.
En plus d’avoir l’occasion de rencontrer et d’apprendre des experts dans le domaine de la connectivité, les participants ont eu la chance de se familiariser avec une série de sujets axés sur le développement et la croissance des réseaux à haut débit dans les communautés tribales.
Voici quelques-uns des principaux points à retenir (en plus des 7 points à retenir du Sommet sur la connectivité autochtone de Phil Mozejko) de cette année :
Décolonisation de l’accès à Internet
Les participants ont développé de nouveaux appels à l’action audacieux et innovants, en mettant l’accent sur la décolonisation et la souveraineté.
Le paysage des communautés collectives évolue
La pandémie a amplifié les réalités du manque de connectivité dans les communautés autochtones. Les financements et la volonté politique sont plus que jamais présents. La direction que prend le débat est en constante évolution, toutefois, lors du sommet de cette année, nous avons pu entendre parler des défis et des réussites de projets individuels tels que : le projet de réseau communautaire Waimanalo à Hawaï, qui est passé de un à cinq réseaux en seulement trois ans, ainsi que les progrès réalisés par le projet North End Connectqui vise à fournir un accès Internet à l’une des plus grandes populations autochtones urbaines du Canada.
Ce travail a des répercussions
Un représentant du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique (ISED) nous a dit que les recommandations en matière de politique formulées lors des précédents Sommets sur la connectivité autochtone sont actuellement réexaminées par le ministère dans le cadre de l’élaboration de la politique du spectre pour l’ensemble du Canada.
Faire passer le mot
La couverture médiatique variée à travers le Canada et les États-Unis, notamment les articles de Bloomberg.gov, Light Reading, Indian Country Today et CTV News, sont des indicateurs encourageants du fait que ce travail a trouvé un public national dans les deux pays, et que les histoires des communautés individuelles et des leaders communautaires sont relayées.
Par le passé, les participants au Sommet sur la connectivité autochtone ont publié une série de recommandations politiques à l’intention des gouvernements, des organisations philanthropiques et des prestataires de services du secteur privé des États-Unis et du Canada. Les recommandations de cette année sont devenues des appels à l’action et abordent certains des problèmes les plus urgents pour les communautés. Elles ont été élaborées en collaboration, pour représenter une voix collective. Elles continueront sans aucun doute à faire évoluer les débats dans les années à venir.
Voici un résumé de ces appels à l’action :
1. Décoloniser les processus de consultation politique
Notant d’abord que « l’inégalité numérique est le produit de la colonisation », cet appel à l’action exhorte les décideurs politiques à examiner les processus de consultation, les périodes de commentaires et l’élaboration des politiques à travers une lentille décolonisée, en tenant compte de la capacité, des pratiques culturelles, des voix et des perspectives des peuples autochtones, du début à la fin.
2. Repenser les approches de la connectivité
Ces secteurs sont appelés à reconnaître que l’accès à Internet sous-tend tous les aspects de notre société. Par conséquent, nous devons maintenant développer une approche plus holistique de l’élaboration de stratégies qui inclut ce fait. Cela demande en outre de faire ce travail selon une approche fondée sur les forces des communautés autochtones, tout en reconnaissant la nécessité d’un financement durable pour un soutien continu.
3. Tenir les gouvernements et les secteurs d’activité responsables
Les gouvernements doivent tenir pour responsables tous ceux qui reçoivent des fonds publics pour des projets de télécommunications, et entreprendre une formation de sensibilisation culturelle avant de travailler avec les communautés autochtones. L’appel est de mieux comprendre la connectivité comme un droit humain fondamental, en la reliant à d’autres programmes qui ont déclaré vouloir respecter ce principe.
4. Reconnaître les droits des populations autochtones au spectre
Cet appel demande aux gouvernements de reconnaître le spectre électromagnétique sur les terres des communautés autochtones comme une ressource naturelle ; une question qui gagne rapidement le soutien des communautés autochtones des deux pays. Le texte demande spécifiquement au gouvernement du Canada de cesser de vendre des licences et de renouveler les permis sur les terres des communautés autochtones et de remettre le spectre inutilisé sur les terres des communautés aux dirigeants des communautés. De plus, il appelle le gouvernement canadien à remettre les profits tirés du spectre sur les terres en question aux dirigeants autochtones et à s’engager dans une consultation significative avec ces derniers sur la façon de mieux répondre aux besoins en matière de spectre à l’avenir.
5. Développer une main-d’œuvre autochtone dans le domaine des réseaux
Les communautés autochtones partagent une valeur inhérente : toute la communauté doit participer aux nouvelles avancées technologiques. Les organismes d’enseignement supérieur sont donc appelés à former les membres de la communauté au renforcement des capacités techniques, en développant une main-d’œuvre capable de soutenir le développement du haut débit et les opérations durables.
Cette année a également marqué une étape importante. Dès le début, le Sommet sur la connectivité autochtone a eu pour objectif de favoriser la transition vers un leadership autochtone. Pour la première fois, l’Internet Society a co-organisé le sommet avec Connect Humanity et l‘Institut pour la connectivité autochtone, une entreprise dirigée par des autochtones. La vision de l’Institut pour la connectivité autochtone est que les communautés concernées aient « la capacité, le soutien, les connaissances et les ressources financières nécessaires pour piloter des solutions d’équité numérique dans leurs communautés respectives et à leurs propres conditions ».
Il est plus important que jamais que les membres des communautés autochtones et leurs partenaires travaillent en collaboration pour comprendre et aborder le paysage actuel du haut débit. En unissant nos efforts de cette manière, nous pouvons nous assurer que nous disposons tous des compétences, des réseaux et des ressources nécessaires pour faire face à cette évolution et pour combler le fossé numérique.
Droit d’auteur de l’image : ©Elyse Butler