Les États-Unis ont accompli de nombreuses avancées en matière de protection de l’Internet cette année. Cependant, ils doivent éviter certains faux pas désastreux pour clore l’année 2022 sans mettre en péril les fondements d’un Internet ouvert, connecté au niveau mondial, sécurisé et digne de confiance pour les personnes, les entreprises et les pays du monde entier.
La Déclaration pour le futur de l’Internet est un véritable appel au rassemblement de nombreux pays qui s’engagent à protéger l’Internet des menaces qui pourraient conduire au pire des scénarios : un Internet fragmenté, le splinternet. Les exemptions de sanctions américaines permettent de protéger l’Internet en garantissant que les entreprises continuent à offrir des options d’accès dans des endroits comme la Russie et l’Iran au moment où ils en ont le plus besoin. À présent, le Congrès se doit d’empêcher la promulgation de projets de loi dangereux, comme notamment l’acte de 2020 – Élimination de la négligence abusive et effrénée vis-à-vis des technologies interactives, qui compromettent la sécurité et la confidentialité.
En quoi un projet de loi visant à réduire le matériel pédopornographique en ligne menace-t-il l’Internet ? Soyons clairs, nous voulons tous promouvoir la sécurité des enfants en ligne et les protéger des horreurs de la pédopornographie. Cependant, l’acte 2020 n’atteint pas cet objectif en exposant davantage les personnes (y compris les enfants), les entreprises et l’infrastructure même de l’Internet à des risques en ligne.
L’Internet Society a récemment publié une présentation sur l’impact sur Internet montrant comment l’acte 2020 constitue une menace réelle pour l’Internet. Cet acte est dangereux, car il empêcherait les intermédiaires – les réseaux qui facilitent le flux d’informations en ligne – d’utiliser notre outil de sécurité numérique le plus puissant pour assurer la sécurité et la confidentialité des personnes et des informations : le cryptage.
Le cryptage est le fondement de la sécurité en ligne. Il sécurise les communications des enfants, leur permettant de parler à leurs proches sans que des intrus indésirables aient accès à des informations sensibles de localisation ou de santé. Il permet également d’empêcher les personnes mal intentionnées de les épier au quotidien par le biais des nombreuses caméras intégrées aux jouets et appareils « intelligents » des enfants. Des mesures de protection comme celles mentionnées dans ces cas, bien sûr, ne font que s’ajouter au rôle omniprésent que joue le cryptage pour sécuriser la vie des utilisateurs lambda, tant en ligne que dans la vie réelle.
L’acte 2020 menace la sécurité, la sûreté et la vie privée des personnes et de l’infrastructure de l’Internet en contraignant les fournisseurs à écouter et à surveiller le contenu qu’ils y diffusent afin d’éviter le risque de responsabilité lié à la pédopornographie. Cela pose deux problèmes. Tout d’abord, les intermédiaires en ligne ne devraient pas (et souvent ne peuvent pas) surveiller les communications de leurs utilisateurs. Ensuite, il est impossible de surveiller le contenu sans contourner ni pirater le cryptage.
Compromettre le cryptage ne nuira pas seulement aux personnes et aux entreprises américaines qui comptent sur la sécurité et la confidentialité en ligne. Certaines des plus grandes entreprises technologiques du monde sont établies aux États-Unis, ce qui signifie qu’affaiblir la sécurité dans son pays, reviendra à le faire dans tous les autres pays où leurs services sont proposés (et pénalisera en même temps la compétitivité des services américains à l’étranger). Dans certains pays, les enjeux de sécurité sont particulièrement élevés pour des groupes comme les journalistes et les communautés LGBTQ+, où la sécurité physique est davantage menacée.
Les enjeux sont également plus élevés aux États-Unis suite à l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade. Les femmes et les personnes susceptibles de tomber enceintes risquent davantage d’être poursuivies pour avoir cherché des informations sur les moyens de contraception en ligne. Le cryptage est donc plus important que jamais pour sécuriser les appareils numériques et garantir la confidentialité des communications.
Vu l’intérêt grandissant des deux partis à promouvoir une approche fédérale de la protection de la vie privée au Congrès, il est essentiel de protéger la liberté des personnes et des entreprises d’utiliser un cryptage fort. Comme l’a montré notre récente présentation relative à l’impact sur l’Internet, elle est également indispensable à la protection du type d’Internet que nous souhaitons tous.
Pourtant, trop souvent, les décideurs sont confrontés à des décisions importantes – dont les objectifs sont généralement louables – sans qu’ils saisissent comment ils sont susceptibles de faire plus de mal que de bien à l’Internet et à tous ceux qui l’utilisent. Le projet de loi sur la sécurité des enfants en ligne, par exemple, est un autre texte qui soulève des critiques en raison des risques qu’il présente pour la vie privée et la sécurité en ligne.
Voilà pourquoi le second point sur lequel le Congrès doit se pencher est d’établir un moyen de s’assurer que des évaluations de l’impact sur l’Internet sont menées avant le vote de lois qui pourraient avoir un impact sur l’Internet et les utilisateurs du monde entier. Les évaluations de l’impact sur l’Internet sont une mesure essentielle de diligence raisonnable qui placerait les États-Unis en meilleure position pour atténuer les risques et prendre des décisions éclairées quant aux propositions susceptibles d’avoir un impact sur une ressource aussi essentielle et sur les milliards de personnes et d’entreprises qui l’utilisent chaque jour.
L’Internet étant de plus en plus menacé de fragmentation, pour protéger l’Internet que nous voulons aujourd’hui et demain, nous devons adopter la pratique des évaluations d’impact sur l’Internet. L’Internet Society s’occupe déjà de la méthodologie. Nous avons hâte d’aider les décideurs à la mettre en œuvre pour respecter leur engagement à protéger un Internet ouvert, mondialement connecté, sécurisé et digne de confiance.
Crédit image : Tobias Tullius