Auteurs:
Andrew Sullivan, Natalie Campbell, Internet Society
Contributeurs:
Carl Gahnberg, John Morris, Internet Society; Timothy Denton, Leonard St-Aubin, Chapitre canadien de l’Internet Society
Sommaire exécutif
Le projet de loi C-18, la Loi sur les nouvelles en ligne, va nuire à Internet au Canada. Visant à aider les médias d’information canadiens à s’adapter financièrement à un paysage numérique en pleine évolution, la loi propose d’obliger les grandes plateformes à indemniser les médias d’information lorsqu’elles publient leur contenu en partageant des liens sur leurs plateformes, et de faire du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) une autorité centralisée chargée de surveiller la conformité. En faisant cela, elle centralise la gestion des fonctions et du contenu d’Internet au Canada, ce qui empêchera considérablement les personnes et les entreprises de contribuer à l’économie numérique et compromettra leur sécurité en ligne.
La loi C-18 mène à la fragmentation d’Internet
La Loi sur les nouvelles en ligne modifie fondamentalement la relation entre les personnes et Internet. Elle fait du CRTC une autorité centralisée chargée de superviser la manière dont les personnes et les entreprises peuvent utiliser le langage commun d’Internet et son système d’adresses. En utilisant la Boîte à outils pour l’évaluation de l’impact sur Internet, l’Internet Society a constaté que la Loi nuira considérablement à ce dont Internet a besoin pour exister et se développer, en limitant la façon dont les personnes et les entreprises peuvent expérimenter et innover sur Internet au Canada.
La loi C-18 nuit aux entreprises, aux personnes et à l’économie numérique au Canada
La Loi sur les nouvelles en ligne va nuire à Internet, ainsi qu’aux personnes et aux entreprises qui en dépendent, en:
- Restreignant l’innovation et la croissance de l’économie numérique en forçant les utilisateurs et les entreprises au Canada à adopter un modèle fondé sur les permissions qui contrôle l’utilisation du langage commun et du système d’adresses d’Internet, ce qui va à l’encontre de sa conception fondamentale.
- Renforçant le pouvoir de marché des grandes entreprises en créant des obstacles à la percée et à la croissance des entreprises canadiennes. Les exigences de la loi font qu’il est inabordable pour les jeunes et petites entreprises d’utiliser les technologies d’Internet pour se positionner en tant que concurrent sur le marché, de peur qu’elles ne soient soumises à des amendes et obligées de négocier des compensations avec les entreprises de nouvelles.
- Empêchant les gens d’accéder à des moyens de communications privés et sécurisés en ligne. Les intermédiaires de nouvelles numériques ayant un pouvoir de marché seront empêchés d’utiliser un chiffrement fort afin de mettre en place les mécanismes de contrôle du contenu nécessaires pour se conformer à la loi.
- Étouffant la liberté d’expression en empêchant les Canadiens d’accéder facilement aux informations en ligne et de les partager.
La Loi sur les nouvelles en ligne va fondamentalement rompre les relations et les expériences des personnes au Canada, les privant d’un Internet vraiment ouvert, connecté au monde entier, sécurisé et digne de confiance. Par ailleurs, elle étouffera l’innovation, renforcera le pouvoir de marché des entreprises établies, réduira la sécurité des personnes et entravera la croissance et l’interopérabilité de l’économie numérique florissante du Canada.
Résumé
En avril 2022, le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, a présenté le projet de loi C-18, la Loi sur les nouvelles en ligne. Le projet de loi vise à fournir un soutien financier aux médias d’information au Canada à la lumière des difficultés de l’industrie à subsister dans une arène de plus en plus numérique. Elle propose d’obliger les opérateurs des grandes plateformes en ligne à indemniser les médias d’information pour la mise à disposition de leur contenu, et de faire du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) une autorité centralisée chargée de veiller au respect de la réglementation. Ce rapport de l’impact sur Internet démontre comment la Loi sur les nouvelles en ligne, si elle est adoptée, nuira considérablement à Internet en centralisant la gestion des fonctions et du contenu essentiels d’Internet. En faisant de la sorte, elle renforcera le pouvoir de marché des grandes plateformes en limitant la capacité des personnes et des entreprises du Canada à innover et à se développer en ligne. La Loi menace également la sécurité et la confidentialité en ligne – et les personnes et entreprises dont la sécurité et la sûreté en dépendent – en exigeant des entreprises qu’elles utilisent des technologies de surveillance qui empêchent l’utilisation d’un chiffrement fort. En fin de compte, la Loi sur les nouvelles en ligne contribuera à une forme de fragmentation d’Internet qui place le Canada dans une position désavantageuse dans une économie numérique qui évolue rapidement. Donner au CRTC un contrôle sans précédent sur la façon dont les gens peuvent utiliser les adresses et le langage commun d’Internet va les priver d’un Internet ouvert, connecté au monde entier, sécurisé et digne de confiance.
Méthodologie
L’internet doit sa force et son succès à un ensemble de caractéristiques essentielles dont il a besoin pour exister. Cela comprend : une infrastructure accessible dotée d’un protocole commun ouvert, d’une architecture ouverte aux composantes interopérables et réutilisables, d’une gestion décentralisée et un système unique de routage distribué, d’un système d’identifiants communs mondiaux non ambigus et universels, et d’un réseau technologiquement neutre et à usage général.
Pour évaluer si la Loi sur les nouvelles en ligne a un impact sur Internet, ce rapport utilise la Boîte à outils pour l’évaluation de l’impact sur Internet pour examiner son impact sur ce dont Internet a besoin pour exister et se développer en tant que ressource ouverte, connecté à l’échelle mondiale, sécurisée et digne de confiance.
Contexte
La Loi sur les nouvelles en ligne, si elle est adoptée, modifierait fondamentalement la relation entre les personnes et Internet. L’une des principales raisons de ce changement est que le projet de loi introduit une forme de gestion centralisée qui va à l’encontre de la nature d’Internet en tant que ressource ouverte et mondiale pour tous.
L’internet a été intentionnellement conçu avec une architecture décentralisée, où aucune autorité particulière n’a le contrôle. Ce principe, et les caractéristiques de conception qui le permettent, ont contribué à la croissance rapide et au succès d’Internet au cours des dernières décennies. L’innovation peut se produire sans la permission de quiconque. On peut concevoir une application ou un service sur le net et voir qui l’utilise. C’est le modèle auquel s’attendent les utilisateurs, et c’est une raison importante pour laquelle Internet répond toujours à nos besoins en rapide évolution. Cette caractéristique de conception a permis à Internet de se développer et de répondre aux besoins des personnes d’une manière que les autres technologies de mise en réseau ne pouvaient pas faire. Par exemple, Internet a facilement fait face à une augmentation spectaculaire de son utilisation au début des mesures d’isolement contre la COVID-19. Puisque chaque opérateur de réseau indépendant pouvait répondre aux conditions locales, Internet a géré l’augmentation sans trop de problèmes. L’Internet est maintenant un élément essentiel de l’économie et de l’infrastructure de communication mondiale et au Canada.
Un exemple d’une forme inverse de contrôle sur un réseau est l’ancien système téléphonique, où le contrôle centralisé exercé par les compagnies de téléphone entravait l’innovation technique et de service. Le contrôle du réseau peut également être exercé par les gouvernements, généralement en déterminant qui peut être présent sur le marché, par le biais de licences et de réglementations.
La Loi sur les nouvelles en ligne entravera Internet en imposant une forme centralisée de contrôle sur la manière dont les personnes peuvent utiliser son langage commun et son système d’adressage.
Comment les URL nous aident à naviguer sur le Web
L’internet est un réseau mondial composé de nombreux réseaux indépendants. Ces multiples réseaux peuvent fonctionner ensemble de manière transparente grâce à un langage commun, ou à des protocoles, qui leur permettent d’interagir sans nécessiter de contrôle central.
Lorsque les personnes parlent d’Internet, ils pensent souvent au World Wide Web (généralement appelé « le Web »). Le Web est un ensemble de sites et de services qui utilisent et dépendent de l’internet et qui sont orientés principalement vers l’utilisateur. Alors que les utilisateurs du Web ont l’impression d’avoir une interaction unique et transparente, cette expérience est en fait assurée par de nombreux services différents. Ces nombreux services différents peuvent être (et sont souvent) présentés de manière à paraître comme une seule page Web. Tous ces liens dépendent des localisateurs de ressources uniformes, ou URL.
Un URL est simplement une manière de fournir un moyen d’obtenir une ressource sur Internet. (Une ressource peut être un document, une vidéo, un fichier audio, une image, ou autre chose. Mais cette ressource peut aussi fournir un accès indirect à une autre ressource).
Les moyens indirects d’accès aux ressources sur le Web sont extrêmement courants dans les services Web contemporains. Rien dans les URL n’exige qu’elles fassent référence à une page Web entière. De nombreuses pages Web sont constituées de liens entre plusieurs URL afin de regrouper différents éléments de contenu sur une seule page.
Pourquoi est-ce important?
La Loi sur les nouvelles en ligne: Ce qu’elle est et comment elle fonctionnerait
La Loi sur les nouvelles en ligne vise à soutenir les entreprises de nouvelles au Canada en exigeant que certaines catégories de services en ligne concluent des accords avec ces entreprises de nouvelles ou soient obligées à négocier en fonction de certains critères. Puisque ces plateformes en ligne bénéficient de liens offrant du contenu de nouvelles produit par les entreprises de nouvelles, le projet de loi propose d’obliger les plateformes à partager une partie de leurs revenus avec les entreprises de nouvelles. Le projet de loi est inspiré d’une loi similaire adoptée en Australie.
Comment cela fonctionnerait:
La législation vise à définir une catégorie de plateformes pertinentes, dont les membres devront s’identifier auprès du CRTC comme des entités couvertes par la Loi. Elle définit également le contenu de nouvelles et les entreprises qui les produisent. Elle exige ensuite l’une des deux choses suivantes:
- Des accords volontaires entre les plateformes de nouvelles et les intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché:
La Loi exige qu’une plateforme s’identifie comme un intermédiaire disposant d’un pouvoir de marché et négocie de bonne foi avec une ou un groupe d’entreprises de nouvelles. Il y aurait une période de négociation, suivie d’une médiation, puis d’un arbitrage de l’offre finale. Les entreprises exploitant des plateformes sont passibles d’amendes pouvant aller jusqu’à 15 millions de dollars canadiens par infraction pour ne pas s’être identifiées auprès du CRTC ou pour ne pas avoir négocié de bonne foi avec les entreprises de nouvelles. Une plateforme d’information qui a conclu des accords volontaires ou qui a été obligée par une décision d’arbitrage de rémunérer les entreprises de nouvelles de l’État peut demander une exemption qui la dispenserait de l’obligation de négocier d’autres accords de rémunération avec d’autres entreprises de nouvelles. Dans ce cas, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) évaluera ces accords en fonction de certains critères énoncés dans la Loi sur les nouvelles en ligne si un intermédiaire de nouvelles numériques le demande. Si le CRTC conclut que les critères sont remplis, alors ces accords sont valables et déterminent la compensation pour le contenu des nouvelles rendu disponible via la plateforme. Dans ce cas, le CRTC émettrait une ordonnance d’exemption suspendant les modalités de la législation à l’égard des parties à l’accord. Le CRTC ne peut pas ordonner la modification de ces accords, mais il peut rendre son ordonnance d’exemption conditionnelle à certains changements qu’il souhaiterait voir. - Une entreprise de nouvelles (ou un groupe d’entreprises) demande au CRTC d’appliquer les dispositions de la législation à l’encontre d’un opérateur de plateforme particulier, ce qui déclencherait la procédure préalable. Les entreprises exploitant les plateformes sont passibles d’amendes pouvant atteindre 15 millions de dollars canadiens par infraction en cas de non-respect de la Loi (si elle reçoit la sanction royale).
Hypothèses et interprétations
Trois notions centrales de la Loi sur les nouvelles en ligne sont directement liées au fonctionnement d’Internet. Cependant, ces notions sont terriblement ambiguës, ce qui rend difficile l’analyse des retombées potentielles du projet de loi. Les trois concepts vagues en question sont le contenu de nouvelles, la mise à disposition du contenu de nouvelles et les intermédiaires de nouvelles numériques.
1. Contenu des nouvelles:
Il s’agit d’une tentative pour distinguer le contenu qui relate, enquête ou explique des questions d’actualité ou des événements d’intérêt public de tout autre type de contenu. La Loi contient des définitions connexes des termes « média d’information » et « entreprise de nouvelles », qui sont définis en fonction de la production de contenu de nouvelles. Il est important de noter que la Loi ne s’applique pas à toutes les entreprises de nouvelles, mais seulement à certaines d’entre elles.
2. Rendre le contenu de nouvelles disponible:
L’idée de « rendre disponible » le contenu de nouvelles est mal définie. Les ressources (telles que les articles ou les sources d’information) sur Internet sont généralement localisées par des URL, mais les URL ne permettent pas toutes de localiser la ressource particulière qu’un utilisateur pourrait rechercher. Il existe au moins trois façons d’accéder à une ressource : le rendu en ligne, les liens et le copier-coller. Il semble, d’après le texte, que n’importe lequel de ces moyens de fournir une URL à un contenu de nouvelles pourrait équivaloir à « rendre disponible », même si l’expérience de l’utilisateur est très différente. Pour un élément qui est rendu disponible en ligne, l’utilisateur n’est pas vraiment en mesure de décider s’il veut consommer ce contenu de nouvelles. Pour une information disponible par le biais d’un lien, l’utilisateur prend la décision consciente de visiter la ressource liée. Pour les URL qui sont simplement transcrites, sans être un lien, un utilisateur devrait faire encore plus d’efforts : copier l’URL pertinente, puis la coller dans un navigateur afin d’aller chercher la ressource pertinente. Le manque de clarté de ce qui constitue de « rendre disponible le contenu de nouvelles » rend également difficile de discerner ce qu’est un intermédiaire de nouvelles numériques.
3. Intermédiaire de nouvelles numériques:
Il s’agit de quelque chose qui rend disponible un contenu de nouvelles que l’intermédiaire n’a pas produit lui-même. Un intermédiaire de nouvelles numériques ne doit pas nécessairement contrôler l’ensemble du contenu de nouvelles mis à disposition sur sa plateforme. Par exemple, un site de médias sociaux qui permet aux utilisateurs de publier des URL peut être considéré comme un intermédiaire de nouvelles numériques, même si ce sont les utilisateurs du site de médias sociaux qui trouvent et publient les URL. La Loi affirme que c’est le site qui met à disposition le contenu de nouvelles.
Le texte de la Loi indique clairement qu’elle n’est censée s’appliquer que pour les intermédiaires très importants. Il s’agit d’entités qui disposent d’un pouvoir de marché important, et la Loi ne s’applique pas aux intermédiaires de nouvelles numériques qui ne disposent pas d’un tel pouvoir. Toutefois, la définition de l’expression « intermédiaire de nouvelles numériques » est telle que tout opérateur de site Web peut probablement être considéré comme tel. Les intermédiaires couverts par la Loi sont d’une certaine taille, ont un certain avantage stratégique sur les entreprises de nouvelles et occupent une position de premier plan sur le marché. Malheureusement, le projet de loi ne précise pas quelle taille, quel avantage ou quelle position sur le marché est nécessaire pour son application, ni même le marché sur lequel l’intermédiaire doit avoir du pouvoir (voir §6 de la Loi).
Le large éventail d’intermédiaires potentiels de l’information numérique rend difficile l’auto-identification et la conformité. Leur interaction avec les services de raccourcissement des liens, qui posera des difficultés, compliquent davantage la situation. Les services de raccourcissement de liens permettent aux utilisateurs de créer une version abrégée d’une URL afin de la rendre plus facile à mémoriser ou à partager sur les plateformes à caractères limités. Ces services peuvent ne pas localiser un élément spécifique du contenu de nouvelles, mais pointer vers une autre URL qui localise ensuite le contenu de nouvelles spécifique. Puisque certains intermédiaires de l’information numérique acceptent les messages de leurs utilisateurs et que certaines de ces URL ne renvoient pas directement au contenu de nouvelles, il n’est pas évident de déterminer quelle plateforme serait un intermédiaire de nouvelles numériques dans de nombreux cas. L’opérateur d’un site de médias sociaux est-il responsable de déterminer la ressource finale derrière chaque URL (et donc de savoir s’il s’agit d’un contenu de nouvelles couvert)? Ou encore, est-ce que seul l’intermédiaire final (celui qui fournit l’URL qui pointe finalement vers la ressource contenant le contenu de nouvelles) est pertinent pour un contenu de nouvelles donné? Et si les services de raccourcissement sont en fait des intermédiaires de nouvelles numériques, sont-ils couverts par la Loi, ou font-ils partie des intermédiaires de nouvelles numériques qui ne sont pas couverts? Il est impossible de le dire à partir du texte de la Loi sur les nouvelles en ligne. Nous pourrions appeler ceux qui sont couverts « intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché », afin de les distinguer de tous les autres intermédiaires de nouvelles numériques dans le monde (c’est ce que fait désormais ce document).
Compte tenu de l’analyse ci-dessus, la Loi sur les nouvelles en ligne aura les effets suivants:
- Le CRTC peut identifier au moins certains services en ligne comme des intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché et tenir une liste de ce que sont ces services. On ne sait pas combien il y a de tels intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché, mais en principe, il pourrait s’agir de n’importe quel site Web n’importe où dans le monde. Les intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché qui sont couverts par la Loi sont tenus, en vertu de l’article 7, d’informer le CRTC qu’ils sont couverts, et les intermédiaires sont passibles d’amendes s’ils ne se conforment pas. Ce qui n’est pas clair, c’est si un intermédiaire de nouvelles numériques concédera qu’il est un intermédiaire disposant d’un pouvoir de marché soumis à la juridiction canadienne de cette façon.
- Le CRTC doit déterminer quelles entreprises de nouvelles peuvent négocier une compensation en vertu de la Loi, soit sur demande, soit (en vertu de l’article 27(2)) de sa propre initiative.
- Les intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché peuvent être tenus de payer pour la mise à disposition de contenu de nouvelles provenant des entreprises de nouvelles approuvées par le CRTC sous l’une des formes suivantes (et en serons certainement tenus dans certains cas):
a. Rendu en ligne de contenu de nouvelles.
b. Des URL hyperliés, et éventuellement transcrits, pointant directement vers le contenu de nouvelles.
c. Des URL possiblement hyperliés ou transcrits (ou les deux) pointant vers une ressource par laquelle le contenu de nouvelles peut être consulté. - Les intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché peuvent éliminer les liens vers les sources canadiennes de contenu de nouvelles à même le service ou restreindre les liens que les utilisateurs du service sont autorisés à partager par le biais du service.
Quel est l’impact de la Loi sur les nouvelles en ligne sur la réalisation du plein potentiel d’Internet?
Ce dont a besoin Internet pour exister
L’Internet doit son succès à la technologie qui le fait fonctionner, ainsi qu’à son mode de fonctionnement et d’évolution unique. Cette section examine comment la Loi sur les nouvelles en ligne aurait un impact sur quatre des cinq propriétés essentielles dont Internet a besoin pour exister et fonctionner.
Propriété essentielle 1: une infrastructure accessible dotée d’un protocole commun
Il n’est pas nécessaire d’obtenir l’autorisation d’une autorité centrale pour vous connecter à Internet. Vous trouvez un point à proximité, vous vous organisez pour vous connecter, et vous êtes sur Internet Le réseau est constitué des nombreux types d’organisations différentes qui s’y connectent. Il n’y a pas de politique internationale déterminant qui peut se connecter ou ce qu’il doit payer; ces facteurs sont largement déterminés par le marché, et non par une autorité centralisée.
La Loi n’aborde pas la question de la connexion à Internet, ce bien n’est donc pas concerné par celle-ci.
Propriété essentielle 2: une architecture ouverte aux composantes interopérables et réutilisables
L’Internet fournit des services bien définis et bien compris aux applications en utilisant une architecture ouverte simple. Tout le monde peut apporter des innovations à tout moment et les utilisateurs d’internet peuvent adopter (ou rejeter) les éléments de base qui apportent de la valeur sans avoir à réorganiser l’ensemble du réseau.
La Loi sur les nouvelles en ligne propose de remplacer l’architecture ouverte et interopérable d’éléments réutilisables par une architecture fermée où l’innovation est limitée par une autorité centrale, le CRTC, qui exerce un contrôle sur l’utilisation des éléments constitutifs normaux d’Internet.
En vertu de la législation, les mêmes caractéristiques, HTML ou URL, fonctionneront d’une certaine manière dans un contexte donné, mais d’une manière différente dans un autre. Par exemple, Alice peut copier une URL identifiant un article d’information dans un courriel qu’elle envoie à Bogdan. Cette utilisation de l’URL ne « rend pas disponible » le contenu de nouvelles et n’est donc pas indemnisable en vertu de la loi, car le courriel est utilisé pour communiquer de manière privée entre les parties. Cependant, si Bogdan copie ensuite le même URL dans un message sur les médias sociaux, l’URL pourrait « rendre disponible » l’information. Dans ce cas, la plateforme peut bloquer l’URL ou être tenue de verser une compensation à l’entreprise de nouvelles qui a produit le contenu. Le même URL dans ces différents contextes provoque des résultats différents. Cela rend l’URL moins interopérable, car elle ne fonctionne pas de la même manière dans toutes les conditions. Cela incite également les intermédiaires à bloquer la fonctionnalité de l’URL. De plus, les utilisateurs ne sont pas toujours en mesure de savoir ce qui se passe s’ils réutilisent l’élément de base (dans cet exemple, l’URL) dans différents contextes. Étant donné que la liste des intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché n’est pas permanente, si un service Internet s’avère être un intermédiaire disposant d’un pouvoir de marché après qu’un utilisateur ait déjà partagé un contenu de nouvelles sur cette plateforme, ce contenu sera accessible avant que le service ne devienne un intermédiaire disposant d’un pouvoir de marché et pourra devenir inaccessible par la suite. Cela rend la réutilisation difficile, car les identificateurs et les points d’ancrage sont censés être stables.
Compte tenu du scénario ci-dessus, l’innovation et la croissance de l’économie numérique au Canada seront réduites. Les participants auront tendance à rester figé dans leur position. Certains intermédiaires de nouvelles numériques seront des sources de revenus et seront protégés par le régulateur. D’autres seront trop petits pour constituer une préoccupation ou ne prendront pas la peine d’innover au Canada pour éviter d’être soumis aux exigences de conformité de la Loi.
La Loi sur les nouvelles en ligne aura également un impact extraterritorial sur les intermédiaires hors de la juridiction du Canada. Au moins quelques opérateurs de services sur Internet choisiront de modifier le fonctionnement de leurs services pour les utilisateurs ou le contenu de nouvelles en provenance du Canada. Les exigences de conformité spécifiques à chaque pays imposent des coûts aux opérateurs de services, et inévitablement, certains opérateurs de services choisiront d’éviter ces coûts plutôt que de les payer. Cela signifie qu’un service sur Internet fonctionnera d’une certaine manière en dehors du contexte canadien et d’une autre manière à l’intérieur de celui-ci, avec pour résultat probable un accès limité pour les Canadiens au contenu pertinent par rapport aux personnes d’autres pays. De plus, les entreprises et les jeunes entreprises peuvent choisir d’éviter les coûts de conformité à la Loi en retirant leurs opérations et leurs services du Canada, afin de concentrer la croissance des entreprises dans des juridictions offrant des conditions plus favorables à l’innovation en ligne. De telles conséquences étaient évidentes après la mise en place du Règlement général sur la protection des données (RGPD) dans l’Union européenne (UE). De nombreuses entreprises, y compris les compagnies de presse, ont choisi de géobloquer les utilisateurs de l’UE plutôt que de se conformer au RGPD, car cette solution était comparativement moins contraignante que de se conformer avec la législation.
Propriété essentielle 3: gestion décentralisée et système de routage distribué unique
L’infrastructure d’Internet repose sur près de 70 000 réseaux indépendants qui choisissent de collaborer et de se connecter ensemble. Chacun de ces réseaux exécute un protocole commun et ouvert (Border Gateway Protocol, BGP) qui lui permet d’échanger des informations de routage avec ses voisins. Et chacun de ces réseaux décide indépendamment de la manière d’acheminer le trafic vers ses voisins, en fonction de ses propres besoins et des exigences locales. Il n’y a pas de contrôle central, ni de contrôleur, qui dicte comment et où les connexions sont établies, de sorte que le réseau se développe de manière organique, sous l’impulsion des intérêts locaux.
Loin de laisser les différents services Internet déterminer eux-mêmes leurs interactions ou de soutenir la gestion décentralisée qui est dans la nature d’Internet, la Loi sur les nouvelles en ligne exige de constater que certains services de réseau sont des intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché. La catégorie potentielle de ces intermédiaires est vaste et en constante évolution. Les intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché sont obligés de conclure une sorte de régime de compensation avec les entreprises de nouvelles admissibles qui demandent une compensation. Cette obligation ne peut être contournée qu’en empêchant tout contenu de nouvelles couvert d’apparaître dans le service. Cela équivaut à une gestion centralisée du contenu d’Internet au Canada. Un résultat probable est que les fournisseurs de contenu qui sont disponibles au Canada, mais qui ne sont pas principalement destinés à un public canadien, seront incités à simplement bloquer l’accès aux sites aux utilisateurs canadiens. Cela conduirait à limiter le matériel disponible pour les étudiants, les journalistes, les avocats et tous les autres utilisateurs qui souhaitent à effectuer des recherches sur Internet au Canada.
Propriété essentielle 4: identificateurs communs au niveau mondial
L’Internet est une infrastructure qui prend en charge des applications complexes, dont certaines sont si importantes qu’elles s’étendent sur plusieurs continents et sont soutenues par des millions de serveurs fonctionnant conjointement. Les utilisateurs d’Internet voient des interfaces élégantes se cachant derrière un seul nom : Google, Facebook, Microsoft, et autres. Mais il existe un élément essentiel qui permet à chaque utilisateur de se connecter à ses applications: un ensemble d’identifiants communs offrant une adressabilité constante et une vue cohérente de l’ensemble du réseau, sans fragmentation ni division.
Les URL sont, de par leur nature même, des identifiants mondiaux. La Loi sur les nouvelles en ligne n’a pas d’incidence sur l’existence de ces identifiants : les URL qui pointent vers le contenu de nouvelles continueront de fonctionner et pourront être transmis comme toujours. Cependant, la Loi a un impact important sur l’utilité des identificateurs mondiaux pour aider les gens à atteindre le contenu en ligne. Dans certains contextes, le fait de faire circuler des URL crée une responsabilité financière pour les intermédiaires de nouvelles numériques (surtout s’ils ne se sont pas identifiés comme des intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché). Certains de ces intermédiaires choisiront sans doute de supprimer certains identifiants plutôt que d’en accepter la responsabilité.
Afin de contourner ces restrictions, de nombreux utilisateurs auront recours à divers systèmes externes qui masquent la cible de certains URL, tels que les raccourcisseurs de liens ou les obscurcisseurs. De tels actes de la part des utilisateurs ne dégageront pas les intermédiaires de l’information numérique de leur responsabilité en vertu de la Loi et pourraient amener d’autres plateformes à devenir des intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché. Cependant, la plupart des opérateurs de services Internet ne scannent pas toutes les URL qu’ils rencontrent dans leurs systèmes pour découvrir leur contenu final.
De plus, la création d’une responsabilité financière pour l’utilisation d’URL est particulièrement illogique car le contenu d’une URL peut changer au fil du temps (par exemple, les mises à jour de pages Web). En tant que tel, il est absurde que le caractère informatif d’un ensemble d’URL fasse partie d’un processus de négociation sur la compensation, car au moment où la négociation commence, cet ensemble d’URL peut pointer vers un contenu fondamentalement différent à l’avenir.
Propriété essentielle 5: un réseau technologiquement neutre et à but général
L’Internet est conçu comme un réseau à usage général. Le réseau est indifférent au type de contenu qui y transite, ne garantissant ni la qualité ni la connectivité, mais fournissant suffisamment de ces deux éléments pour servir de fondation aux services d’information, au commerce, aux communications, aux loisirs, et plus encore.
La Loi sur les nouvelles en ligne ne concerne pas le réseau lui-même. Cependant, le fait d’exiger de certains opérateurs d’Internet qu’ils soient au courant du contenu qui circule sur le réseau compromet les avantages d’un réseau à usage général. Étant donné que les services en ligne qualifiés d’intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché devront potentiellement dédommager les organismes de presse s’ils partagent des URL d’articles d’information, ils devront désormais différencier et traiter les URL des articles d’information différemment des autres URL. La Loi semble reconnaître que tout ce qui est publié par une entreprise de nouvelles n’est pas forcément de l’information (pensez aux jeux ou même aux publicités). Pourtant, soit les parties à la négociation devront s’entendre pour déterminer si un contenu donné est réellement de l’information, soit le CRTC devra le faire.
Bien qu’il soit clair que seules certaines plateformes sont réellement visées par la législation, les effets prévisibles de cette dernière sont beaucoup plus vastes. Compte tenu de la définition de l’expression « intermédiaire de nouvelles numériques », il semble qu’elle s’étende à tout service susceptible d’accepter des URL fournis par les utilisateurs et pouvant pointer vers du contenu de nouvelles sur Internet. Les outils disponibles sur Internet peuvent accepter de tels URL et les mettre à la disposition d’autres personnes de multiples façons. Chaque cas présente une responsabilité possible pour l’opérateur d’un tel service, puisqu’il est passible d’amendes s’il ne s’identifie pas comme un intermédiaire disposant d’un pouvoir de marché. En effet, tout service qui accepte les contributions des utilisateurs et qui est soumis de quelque manière que ce soit à la juridiction canadienne doit traiter chaque soumission comme s’il s’agissait d’un contenu de nouvelles. Le réseau est extrêmement vaste, et la seule protection pour les opérateurs de services sur Internet est que le CRTC déterminera correctement s’ils sont un intermédiaire puissant disposant d’un pouvoir de marché.
Ce dont a besoin Internet pour se développer
En plus des propriétés essentielles dont Internet a besoin pour exister, il existe des caractéristiques supplémentaires, ou facteurs favorables, dont il a besoin pour prospérer. La section suivante analyse l’impact de la Loi sur les nouvelles en ligne sur ces facilitateurs, empêchant Internet et tous ceux qui l’utilisent de bénéficier de son plein potentiel.
Accès facile et sans restriction
La possibilité de mettre librement à disposition, de référencer (c’est-à-dire de « lier ») et d’accéder à des ressources sur le Web a été essentielle à son succès. Les liens sont au cœur de la capacité de l’innovation d’Internet et a permis aux utilisateurs et aux services de partager des ressources à une échelle sans précédent.
Les intermédiaires de nouvelles numériques (y compris ceux qui ne s’identifient pas comme des intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché) qui choisissent de filtrer les liens provenant des entreprises de nouvelles admissibles approuvées par le CRTC avec lesquelles ils n’ont pas conclu d’accord rendraient certaines nouvelles moins accessibles aux utilisateurs de l’intermédiaire. Pour éviter toute responsabilité, les intermédiaires de nouvelles numérique sont susceptibles d’adopter une politique de sur-filtrage des liens. Il s’agirait de bloquer les liens vers des ressources qui ne sont pas du contenu de nouvelles, sous prétexte que ce qui est considéré comme un contenu de nouvelles n’est pas bien défini et fait l’objet de négociations. Par conséquent, la Loi sur les nouvelles en ligne risque de compromettre la facilité avec laquelle les utilisateurs canadiens peuvent accéder aux informations et les partager. Cela représente une menace importante pour la liberté d’expression.
La Loi compromettrait également la réceptivité d’Internet à de nouveaux services en ligne. Tout service de ce type risquerait d’être classé comme intermédiaire disposant d’un pouvoir de marché et serait donc passible d’amendes. Ce risque commercial crée de nouvelles barrières à l’innovation en ligne au Canada. Pour éviter d’engendrer des paiements, les nouveaux services en ligne pourraient limiter la capacité des utilisateurs à générer du contenu (puisque celui-ci pourrait inclure un lien), ou concevoir des filtres de contenu avancés pour bloquer les liens vers certaines ressources.
Par ailleurs, étant donné que les intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché devraient connaître le contenu pour se conformer à la loi, les plateformes ne pourraient pas utiliser un chiffrement fort. Le chiffrement est un outil de sécurité Internet omniprésent qui brouille les données et les communications afin de les rendre sécurisés et confidentielles face à des parties non désirées. Seuls les plus grands fournisseurs auraient les ressources nécessaires pour créer les portes dissimulées de chiffrement requises pour pouvoir filtrer le contenu. Les petites entreprises n’ont peut-être pas les moyens d’utiliser ces méthodes, ni de faire face au risque de sécurité qu’elles comporteraient pour leur entreprise et leurs utilisateurs.
Il est ironique de constater qu’une législation si clairement conçue pour tirer des ressources financières de certaines des plus grandes entreprises technologiques du monde, afin de soutenir les médias d’information au Canada, renforce l’avantage économique structurel de ces mêmes entreprises. La Loi sur les nouvelles en ligne érige d’importantes barrières en rendant inabordable l’entrée de tout nouveau concurrent sur le marché, de peur qu’il ne se retrouve soudainement en infraction avec la législation.
La Loi pourrait également rendre Internet moins accessible aux personnes souffrant de handicaps visuels ou autres. Le texte de la Loi n’indique pas clairement si le fait de publier une URL sans la transformer en lien cliquable constitue une mise à disposition de contenu de nouvelles. Si ce n’est pas le cas, les plateformes peuvent permettre la publication d’URL qui ne sont pas hyperliées, mais cela pourrait désavantager les personnes qui utilisent le Web avec des technologies d’assistance telles que les lecteurs d’écran. Par exemple, un lecteur d’écran devra lire à haute voix l’URL, qui devra ensuite être sélectionnée, copiée et collée pour que l’utilisateur puisse accéder à l’URL. Cela pourrait poser des problèmes aux personnes souffrant de certains handicaps.
Usage et déploiement sans restriction des technologies d’Internet
Les technologies et les normes d’Internet peuvent être adoptées sans restriction. L’infrastructure d’Internet est disponible en tant que ressource pour tous ceux qui souhaitent l’utiliser de manière responsable et équitable. Les technologies existantes peuvent être mélangées et utilisées pour créer de nouveaux produits et services qui étendent les capacités d’Internet.
La Loi sur les nouvelles en ligne crée les conditions dans lesquelles au moins certains services novateurs devront obtenir l’autorisation d’opérer, en garantissant qu’ils n’atteignent pas le seuil de pouvoir de marché, sous peine d’amendes importantes ou d’autres coûts. Le langage et le système d’adressage communs d’Internet (normes) nous aident à naviguer en ligne, mais ils ne permettent pas de savoir quel contenu est associé à nos destinations. Aux fins du déploiement des technologies d’Internet, la législation exige donc des informations sur le contexte dans lequel un URL ou un élément HTML est utilisé, ce que l’on appelle en informatique son « état ». L’architecture des technologies sous-jacentes en question n’est pas faite pour véhiculer cet état (auto connaissance). L’absence d’un tel état est intentionnelle dans l’architecture car le Web est conçu comme un protocole sans état. Dans un système en réseau, les protocoles qui doivent maintenir un état sont beaucoup plus coûteux, car ils nécessitent une communication constante entre les points terminaux. En revanche, les protocoles sans état sont peu coûteux à développer et à exploiter. Cette caractéristique est essentielle au succès du Web, et par conséquent d’Internet.
L’effet de La loi est d’exiger des intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché qu’ils établissent un réseau de relations contractuelles bilatérales, même si dans de nombreux cas, les parties n’ont aucune interaction directe entre elles. L’absence de restrictions à l’utilisation et au déploiement propres à Internet repose sur l’idée fondamentale que la simple mise en œuvre des technologies conformément à une norme suffit à assurer l’interopérabilité avec Internet tout entier. La Loi remplace cette hypothèse par l’idée que les intermédiaires de nouvelles numérique et les entreprises de nouvelles admissibles doivent tous avoir des contrats les uns avec les autres. Elle inverse les conditions sans permission qui ont fait le succès d’Internet en faveur d’une vision restrictive dans laquelle la permission de déployer et d’interopérer est nécessaire.
De plus, la Loi limite également l’utilisation de technologies de sécurité comme le chiffrement, qui est crucial pour l’innovation d’Internet au Canada. Les intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché qui ne peuvent pas déployer les dernières technologies de sécurité dans leurs propres entreprises et pour leurs utilisateurs seront fortement désavantagés dans une économie numérique mondiale compétitive, ce qui compromet les objectifs de la Loi.
L’Internet a enrichi la vie des gens précisément parce que ceux-ci peuvent l’utiliser sans l’autorisation de tiers. Pourtant, la législation prévoit explicitement le classement et d’autres formes de curation algorithmique de contenu. Cela signifie que les consommateurs canadiens de services sur Internet, et les entreprises de nouvelles canadiennes, peuvent être exclus des nouvelles inventions. Ce préjudice ne s’étendra pas seulement à la consommation ordinaire, grand public, du contenu de nouvelles. Les étudiants, les enseignants, les bibliothécaires, les chercheurs et tous ceux qui dépendent du contenu de nouvelles en provenance du Canada seront négativement affectés. Le reste d’Internet continuera de pouvoir établir des liens vers du contenu sans autorisation, mais l’établissement de liens vers du contenu de nouvelles au Canada nécessitera une autorisation et des relations contractuelles. Cela signifie que la Loi ne permettra pas à Internet de se développer au Canada comme il le ferait ailleurs.
Développement, gestion et gouvernance collaboratifs
Les technologies et les normes d’Internet sont développées, gérées et gouvernées de manière ouverte et collaborative. Cette collaboration ouverte s’étend à la construction et au fonctionnement d’Internet et des services construits sur celui-ci.Le processus de développement et de maintenance repose sur la transparence et le consensus, et a pour objectif l’optimisation des infrastructures et des services au profit des utilisateurs de ces technologies.
La Loi sur les nouvelles en ligne imposerait des règles régissant le fonctionnement de tous les services sur Internet susceptibles d’être utilisés par les Canadiens qui sont exposés au contenu des nouvelles canadiennes par le biais d’un service quelconque. Cette relation contractuelle obligatoire n’a pas été développée de manière ouverte et collaborative, et est en contradiction avec la conception même d’Internet et du Web. De plus, à mesure que les normes Internet mondiales évoluent, les utilisateurs canadiens risquent d’être mis à l’écart, car la mise en œuvre de la Loi peut limiter l’utilisation des améliorations apportées à ces normes.
Accessibilité sans restriction
Les utilisateurs d’Internet ont accès à toutes les ressources et technologies mises à disposition sur Internet et sont en mesure de mettre eux-mêmes des ressources à disposition, contribuant ainsi au rôle d’Internet en tant que moyen mondial de production de connaissances. Une fois qu’une ressource a été mise à disposition d’une manière ou d’une autre par son propriétaire, il n’y a pas de blocage de l’utilisation et de l’accès à cette ressource par des tiers.
La Loi sur les nouvelles en ligne n’exige pas directement le blocage de l’utilisation ou de l’accès à toute ressource mise à disposition sur Internet. Cependant, elle incite fortement les plateformes à restreindre l’accès des utilisateurs canadiens à des contenus et des ressources qui sont autrement disponibles ailleurs. Cela entrave le rôle d’Internet en tant que moyen de diffusion mondiale des connaissances. En vertu de la Loi, il est peu probable que les utilisateurs de plateformes susceptibles d’être des intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché sachent s’ils sont en mesure de mettre eux-mêmes des ressources à disposition, car la disponibilité de la ressource serait conditionnée par les relations contractuelles entre l’opérateur de l’intermédiaire de contenu de nouvelles et le fournisseur de l’entreprise de nouvelles. De plus, il n’y a aucune raison de supposer que chaque entreprise de nouvelles admissible fera partie de l’ensemble des relations contractuelles d’un intermédiaire disposant d’un pouvoir de marché donné. Cela signifie que les utilisateurs ne sauront pas s’ils peuvent mettre des ressources à disposition.
La Loi entrave également l’accessibilité en limitant la capacité des intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché à utiliser un chiffrement fort. De nombreux utilisateurs comptent sur la sécurité du chiffrement, en particulier le chiffrement de bout en bout, pour partager, communiquer et accéder à des ressources en ligne pour leur sécurité personnelle. Cela inclut les journalistes, les victimes de violence domestique, les communautés LGBTQ+, etc. De nombreux utilisateurs ne seraient pas en mesure d’utiliser ces services sans la confidentialité garantie par un chiffrement fort.
Confidentialité des données des informations, des appareils et des applications
La confidentialité des données, généralement obtenue à l’aide d’outils tels que le chiffrement, permet aux utilisateurs finaux d’envoyer des informations sensibles sur Internet de sorte que ceux qui pratiquent l’écoute secrète et les pirates ne puissent pas voir le contenu ou savoir qui communique. Permettre le transfert d’informations sensibles contribue à créer un Internet sécurisé.
Bien qu’elle ne vise pas ouvertement la confidentialité des données, la Loi sur les nouvelles en ligne aurait probablement des effets néfastes sur la disponibilité de la communication sécurisée au Canada. Parce qu’elle rend toute plateforme susceptible d’être un intermédiaire disposant d’un pouvoir de marché tenu de faire des paiements, et qu’elle doit avoir la capacité de déterminer quand effectuer ces paiements, ces intermédiaires seront incités à porter atteinte à la confidentialité. Dans le cas des communications chiffrées de bout en bout, il serait impossible pour un fournisseur de services de visualiser le contenu de la communication d’un utilisateur pour déterminer ces paiements sans porter atteinte à la sécurité et à la vie privée de chaque utilisateur. Le texte de la Loi ne précise pas combien de participants à une discussion de groupe constitueraient l’acte de rendre disponible le contenu de nouvelles, ce qui est important car certains services de communication chiffrée de bout en bout peuvent réunir plus de mille utilisateurs dans une seule conversation. De plus, en raison de la capacité des personnes à automatiser la distribution d’informations sur Internet, le simple fait de rendre un contenu de nouvelles disponible entre deux personnes pourrait facilement aboutir à une copie effective du même contenu de nouvelles (ou des URL qui se connectent à ce contenu) envoyée rapidement à un très large public.
En raison du danger de responsabilité financière, les plateformes sur Internet qui fournissent des services aux Canadiens, et qui pourraient donc devenir des intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché, seront incitées à empêcher les canaux véritablement confidentiels. Par conséquent, les plateformes peuvent choisir d’éviter d’utiliser les technologies de chiffrement de bout en bout, qui sont essentielles à la sécurité et à la confidentialité des données en ligne, afin de pouvoir surveiller les communications et de réduire leur responsabilité potentielle en matière d’amendes ou leur besoin de négocier avec les entreprises de nouvelles admissibles. Le manque de confidentialité des données qui en résulterait constituerait un risque important pour la sécurité et la sûreté des personnes et des entreprises au Canada.
Intégrité des informations, des applications et des services
La Loi sur les nouvelles en ligne ne précise pas si une plateforme agit comme un intermédiaire de nouvelles numérique lorsqu’elle fournit des liens qui ne renvoient pas à un contenu de nouvelles réel, mais à un service de redirection tel qu’un raccourcisseur d’URL. Certains intermédiaires de nouvelles numériques exploitent leurs propres raccourcisseurs d’URL. Dans ce cas, il est clair qu’ils conservent la responsabilité de la Loi. Mais dans d’autres cas, les intermédiaires n’exploitent pas le raccourcisseur d’URL. Dans ce cas, il n’est pas clair si l’opérateur de la plateforme ou l’opérateur du raccourcisseur d’URL (ou les deux) est l’intermédiaire de nouvelles numériques. (Il est encore moins évident qu’ils soient également un intermédiaire disposant d’un pouvoir de marché). Si la plateforme n’agit pas en tant qu’intermédiaire de nouvelles numériques dans de tels cas, elle aura intérêt à encourager ses utilisateurs à publier des URL traités par des raccourcisseurs.
L’un des problèmes des raccourcisseurs de liens est qu’ils sont obscurs. Il est difficile de savoir, en regardant un tel lien, s’il renvoie à la ressource particulière souhaitée. (Il n’y a aucune garantie qu’un URL mène à la ressource à laquelle un utilisateur peut s’attendre, mais les raccourcisseurs de liens aggravent ce problème). Si les raccourcisseurs de liens deviennent omniprésents sur les plateformes en ligne dans le cadre d’un mécanisme visant à éviter les coûts engendrés par cette loi, il est probable que des personnes mal intentionnées exploiteront l’obscurité de ces URL pour commettre des fraudes, des vols d’identité et d’autres actes malveillants.
Robustesse, résilience et disponibilité
L’Internet est robuste lorsque la technologie et les processus mis en œuvre permettent de fournir les services tels que promis. Par exemple, si la disponibilité d’un service Internet est imprévisible, les utilisateurs le considéreront comme peu fiable. Cela peut réduire la confiance non seulement dans un seul service, mais aussi dans Internet lui-même. La résilience est liée à la fiabilité : un internet résilient maintient un niveau de service acceptable, même en cas d’erreurs, de comportements malveillants et d’autres défis à son fonctionnement normal.
La Loi sur les nouvelles en ligne rend le statut d’une plateforme donnée modifiable avec le temps, en fonction du succès du marché et des décisions du CRTC. En vertu de la Loi, les intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché doivent conclure des accords avec les entreprises de nouvelles s’ils souhaitent mettre à disposition (ou permettre à d’autres de mettre à disposition) le contenu de nouvelles d’une entreprise de nouvelles donnée. Cela signifie que pour les utilisateurs de divers services en ligne, le partage de certains types de contenu en ligne (par exemple, les URL de contenus de nouvelles) deviendra imprévisible. La plateforme P peut avoir un accord avec l’entreprise de nouvelles NB un jour, puis déterminer que cet accord ne vaut pas la valeur que la plateforme en retire. Ainsi, P pourrait choisir de mettre fin à l’accord plus tard. Un utilisateur de P serait en mesure de partager des nouvelles provenant de NB par le biais de la plateforme un jour, et serait empêché de le faire le jour suivant. Pour les utilisateurs, il s’agit d’un service peu fiable et imprévisible, ce qui, en fin de compte, mine la fiabilité d’Internet.
Responsabilité
La responsabilité sur Internet donne aux utilisateurs l’assurance que les organisations et les institutions avec lesquelles ils interagissent agissent directement ou indirectement de manière transparente et équitable. Dans un Internet responsable, les entités, les services et les informations peuvent être identifiés et les organisations impliquées seront tenues responsables de leurs actions.
La Loi sur les nouvelles en ligne nuit à la responsabilité en donnant au CRTC le pouvoir pratiquement arbitraire de restreindre la capacité des particuliers et des entreprises à utiliser des localisateurs de ressources uniforme (URL). Elle le fait de deux manières importantes.
La première concerne le rôle du CRTC dans l’application des règles relatives aux nouvelles numériques et aux intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché. À l’exception des services de messagerie privée, la définition de l’intermédiaire de nouvelles numériques semble englober tous les services en ligne, y compris le commerce électronique, les forums de discussion publics et les services éducatifs. Et bien que la loi cherche à limiter les intermédiaires de nouvelles numériques qui sont assujettis aux obligations concernant les intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché, ces critères ne sont pas clairs. Par exemple, la loi décrit les intermédiaires de nouvelles numériques admissibles comme ceux pour lesquels il existe un « déséquilibre significatif du pouvoir de négociation », qui doit être évalué en fonction de la taille de l’intermédiaire, si le marché dans lequel il opère offre un « avantage stratégique sur les entreprises de nouvelles » et si l’intermédiaire « occupe une position de premier plan sur le marché ». Chacune d’entre elles est dépourvue de signification claire, ce qui donne au CRTC des pouvoirs d’interprétation étendus. Dans cette optique, la loi impose également un « devoir de notification », en vertu duquel un intermédiaire de nouvelles numériques qui remplit les critères doit en informer la Commission. Malheureusement, tous les sites Web dans le monde qui acceptent tout envoi de la part des utilisateurs et qui sont ensuite affichés à d’autres utilisateurs semblent être considérés comme des intermédiaires de nouvelles numériques en vertu de la Loi. L’identification des intermédiaires disposant d’un pouvoir de marché qui en résulte risque d’être incomplète et potentiellement déroutante tant pour les fournisseurs que les utilisateurs.
Deuxièmement, la Loi autorise le CRTC à désigner les entreprises de nouvelles admissibles. Comme le stipule la Loi, les entreprises de nouvelles sont admissibles si elles produisent « un contenu d’intérêt public principalement axé sur des questions d’intérêt général », si elles emploient deux journalistes ou plus au Canada et si elles produisent « un contenu de nouvelles qui n’est pas principalement axé sur un sujet particulier, comme des nouvelles propres à une industrie, des sports, des loisirs, des arts, un style de vie ou le divertissement ». Encore une fois, ces critères sont vagues et donneraient une autorité sans précédent au CRTC pour définir des concepts tels que les nouvelles « d’intérêt général », « un style de vie et le divertissement », etc. De plus, ces critères excluraient un grand nombre d’entreprises de nouvelles (par exemple, les nouvelles industrielles ou les journalistes indépendants) au profit des grandes sociétés de nouvelles. En fin de compte, la Loi semble très susceptible de favoriser les grandes entreprises de nouvelles au détriment des fournisseurs de nouvelles plus petits et plus spécialisés, ce qui risque de réduire la diversité et la compétitivité des sources de nouvelles canadiennes.
L’impact de la délégation d’un pouvoir sans précédent au CRTC pour contrôler la façon dont les personnes et les entreprises peuvent utiliser Internet entravera les objectifs ambitieux d’une ressource ouverte, connectée à l’échelle mondiale, sécurisée et digne de confiance pour tous. Cela conduira également à des expériences fragmentées d’Internet pour les personnes et les entreprises au Canada. Ainsi, la Loi empêchera le CRTC d’agir de manière équitable et transparente en ce qui concerne Internet et ses utilisateurs au Canada.
Confidentialité
Le respect de la vie privée sur Internet est la capacité des individus et des groupes à comprendre et à contrôler quelles informations les concernant sont collectées et comment, et à contrôler la manière dont elles sont utilisées et partagées. Le respect de la vie privée comprend souvent des aspects d’anonymat, en supprimant les liens entre les données, les dispositifs et les sessions de communication et l’identité des personnes auxquelles ils se rapportent.
La Loi sur les nouvelles en ligne exige que les intermédiaires de nouvelles numériques soient tenus responsables du contenu de nouvelles sur leurs plateformes. Cela signifie que les opérateurs de ces plateformes examineraient toute publication d’un utilisateur qui pourrait constituer une mise à disposition de contenu de nouvelles. Pour les communications chiffrées de bout en bout, cela est impossible sans porter atteinte à la sécurité et à la vie privée de chaque utilisateur.
La Loi ne précise pas si des discussions privées entre un groupe de personnes constituent une mise à disposition de contenu de nouvelles. Cependant, on peut supposer qu’il existe un certain nombre de participants à une telle discussion qui pourrait transformer le groupe privé en groupe public. Aucun seuil n’est défini. Il est presque certain que les plateformes ne seraient pas disposées à prendre le risque que ces groupes de discussion puissent créer des obligations financières. Par conséquent, l’utilisation de technologies de protection de la vie privée, comme le chiffrement fort pour les groupes de discussion, peut être entravée ou rendue impossible au Canada.
Résumé et conclusions
La Loi sur les nouvelles en ligne a l’ambitieux objectif de fournir un soutien financier aux entreprises de nouvelles qui n’ont pas réussi à faire concurrence aux grandes plateformes en ligne en termes de revenus. Il est clair que l’objectif de la législation est de modifier l’équilibre du pouvoir de marché. Malheureusement, pour ce faire, la Loi impose au fonctionnement d’Internet des caractéristiques qui sont étrangères à sa conception fondamentale. L’Internet est conçu pour être ouvert, connecté à l’échelle mondiale, sécurisé et digne de confiance. En raison des mécanismes prévus par la Loi, elle n’est pas compatible avec la conception fondamentale d’Internet. Au lieu de cela, la Loi envisage un Internet qui n’est pas ouvert, mais fermé à l’innovation. Elle envisage un Internet qui n’est pas connecté au niveau mondial, mais où certaines connexions sont entravées ou empêchées. Elle n’offre pas la sécurité, mais un avenir caractérisé par des incitations à réduire la sécurité du contenu pour permettre son inspection. Et elle offre non pas un Internet fiable, mais un Internet dont les gens ne sont pas certains si celui-ci agira de la même manière d’un jour à l’autre.
La Loi sur les nouvelles en ligne sera néfaste pour Internet.
De plus, les dommages causés à Internet par la Loi sur les nouvelles en ligne contribuera à la fragmentation, offrant aux personnes et aux entreprises au Canada une utilisation et une expérience Internet différentes de celles du reste du monde. À son tour, elle réduira la sécurité des Canadiens, étouffera l’innovation en ligne et entravera la croissance et l’interopérabilité de l’économie numérique en plein essor au Canada.